Frédéric Renaudin : portrait d’un accompagnateur scénique

Sting, Stevie Wonder, Anastacia ou Julien Clerc ont tous un point commun. Lequel ? Celui d’avoir été accompagné sur scène, à la télévision ou à la radio par Frédéric Renaudin. Multi-instrumentiste de longue date, Frédéric Renaudin maîtrise le piano, les claviers, les saxophones, la basse, le bugle, la flûte et… Le chant. Rien que ça ! Nous avons eu l’honneur d’échanger avec cette légende de la musique et fervent utilisateur de l’application Newzik. Nous avons évoqué avec lui les facettes de son métier, l’évolution de sa pratique et ses astuces en tant qu’accompagnateur / “coach scénique”. 

Quel(s) métier(s) exercez-vous aujourd’hui ? 

Aujourd'hui, plus de la moitié de mon activité consiste à être musicien et à jouer de plusieurs instruments. Mes activités de prédilection, c’est la composition, l’arrangement et la réalisation. J'ai donc un studio d'enregistrement à la maison dans lequel je réalise aussi de la musique. Dans le passé, j'étais surtout un musicien accompagnateur, un chanteur “connu”, disons-le. Donc voilà, en résumé, je suis musicien et accompagnateur à l’origine. Aujourd’hui, cela fait plus de 25 ans que je tourne avec différents artistes en France et à l'étranger. 

Aujourd’hui, j’ai pris la décision de moins tourner. Je fais encore des spectacles, de grands événements, à droite et à gauche. Je travaille depuis mon studio, de manière plus sédentaire. 

En quoi consiste le métier d’accompagnateur scénique ?

Le travail d’accompagnateur varie d’un chanteur à un autre, mais de manière générale, cela consiste à être au service de la composition musicale, d’un côté et de l’autre, au service du chanteur ou de la chanteuse accompagné·e. 

Notre travail est de faire en sorte que le chanteur accompagné soit le plus à l'aise possible sur scène, qu'il soit le plus efficace et le plus convaincant par rapport à son travail. Tous ceux qui considèrent ce métier sous un angle égocentrique, comme une opportunité de faire une carrière dans le but d’être célèbre, ça ne vaut pas le coup. Si c’est le cas, il faut changer de métier tout de suite. Quand vous jouez devant 80 000 personnes, tout le monde se fiche de savoir comment s'appelle le pianiste qui est derrière le chanteur, ça ne change rien à votre vie ! 

C'est un plaisir énorme, parce qu’on se sent très utile. Un chanteur, quand il est sur scène, quel qu’il soit, est sur un fil. L’accompagnateur scénique est là pour le réconforter. Et c’est agréable de faire en sorte de le mettre dans les meilleures conditions pour que son spectacle soit optimal. Certains chanteurs auront des échanges privilégiés avec leurs musiciens. Donc, autrement dit, sur scène, il faudra être extrêmement disponible dans les expressions du visage, dans les attentions… Et inversement, il y a des chanteurs et chanteuses qui sont surtout en contact avec leur public, dans ce cas les musiciens sont là pour assurer leur travail derrière de façon plus autonome. Et là, on attend d'eux qu'ils soient irréprochables… 

Pourriez-vous décrire une journée “type” lors d’une préparation d’un concert live avec un artiste ou un groupe ?

Quand on est en tournée, tout n’est pas extrêmement glamour parce qu'en général, on va surtout voyager. Dans l’imaginaire des gens, la vie d'un musicien consiste à passer beaucoup de temps dans de beaux hôtels, mais en fait, nous y passons très peu de temps parce que nous nous déplaçons quasiment chaque jour d'une ville à l'autre.

On arrive dans une nouvelle ville vers 15 h, puis on enchaîne sur des ajustements à 17 pour faire ce qu'on appelle “une balance”. Là, on va vérifier que tous nos équipements ont été correctement connectés, montés et équipés par les techniciens qui s'occupent de nos affaires. On fait ensuite un petit test son en live avec le chanteur, pour qu'il s'habitue au son de la salle. Tout ça dure environ 1h, 1h30. Ensuite, on mange, on se prépare pour le concert, on s'habille, on fait le concert, une fois le concert terminé, on va à l'hôtel, on dort, et on se retrouve le lendemain matin dans le hall pour partir et aller dans la ville suivante. En fait, c'est extrêmement répétitif. Je vais briser beaucoup de rêves. On ne visite pas beaucoup de villes. On visite surtout les hôtels… 

Quelles sont vos astuces pour vous adapter à la technique de plusieurs instruments en simultané ?

En fait, il n'y a pas d'école pour ça. La première grande tournée où j'ai vraiment été multi-instrumentiste, c'était une tournée de Julien Clerc. À l’époque, on n’était que deux musiciens à partir en tournée avec lui. L’artiste voulait deux multi-instrumentistes. L'autre musicien s’appelle Evert Verhees, grand musicien belge qui a accompagné Maurane, Eddy Mitchell… C'est un bassiste à l'origine, mais qui jouait aussi de la guitare, du piano, des percussions et qui chantait. De mon côté, sur cette tournée, j'assurais les claviers, de la basse, de la flûte, du saxophone, de la trompette, on jouait un peu de tout. C’est sur cette tournée que j'ai pris conscience de ce que signifiait passer d'un instrument à l'autre, d'un morceau à l'autre. C'est un exercice assez compliqué ; ce n'est pas simplement réaliser son morceau au piano ou à la basse. Il faut très vite se mettre dans le bon état d'esprit, dans la bonne attitude physique, la bonne intention, qui varie suivant chaque instrument.


C’est un vrai défi de concentration, il faut être capable de changer de rôle en quelques secondes. C'est comme demander à un acteur, sur une scène, de changer de rôle, en un claquement de doigts. Ce n'est pas du tout intuitif. En revanche, cela permet de faire beaucoup de progrès en matière de concentration. Quand on refait un spectacle ou un show où on n'a qu'un seul instrument à jouer, ça devient facile !

En tant qu’accompagnateurs, nous ne sommes pas des virtuoses de tous ces instruments, mais nous sommes capables de produire correctement ce qui est attendu. Quand on nous demande de jouer une partie de saxophone, nous la jouons de façon correcte chaque soir devant 5 000 personnes. 

Ce que j'aime, c'est quand je sais que le pianiste que je vais remplacer sera complètement détendu pour vivre ses concerts exactement comme il le souhaite. Le secret, c'est qu’il n'y a pas d'exploit à réaliser, il s'agit de faire ce que nous attendons de nous-mêmes et de rendre le chanteur aussi à l'aise que possible. Si nous y parvenons, l'affaire est gagnée.

Combien d’instruments maîtrisez-vous de manière professionnelle ? Composez-vous avec l’ensemble de ces instruments ?

Au départ, je suis pianiste. Mon instrument principal et préféré est le piano (les claviers en général). Mes goûts personnels m'ont fait apprendre d'autres instruments, d'abord pour “m'amuser”, et puis rapidement, j’ai été appelé pour travailler sur des tournées et assurer un rôle de multi-instrumentiste. En réalité, depuis quelque temps, les tourneurs cherchent à faire des économies. De ce fait, on embauche moins de musiciens et on leur demande d'avoir plusieurs compétences. En jouant le jeu, j'ai appris plusieurs instruments, et puis c'est exactement comme les langues vivantes, plus on en apprend, plus on apprend vite.

Par contre, je compose seulement au piano. Le piano me permet de faire des mélodies et des harmonies. C’est un instrument extrêmement complet pour cela. Donc tout ce que je dois composer, je le fais généralement au piano. 

Comment et dans quel cadre avez-vous découvert l’application Newzik ?

J’ai découvert Newzik grâce à Jean-Félix Lalanne, qui était l'ambassadeur de cette application, le développeur de l'application à l'origine. Il m'a dit, je cite « Il faut que je te fasse découvrir quelque chose d'incroyable, c'est français, et c’est super ! ». Jean-Félix m'a proposé de tester cette application dans le contexte du spectacle La nuit de la dépression, coordonné par Raphaël Mezrahi aux Folies Bergères. À l’époque, les gens n'utilisaient pas encore trop les applications. En tant que pianiste un peu “geek”, j'ai accepté. Les pianistes ont l'habitude d'utiliser des ordinateurs, des synthétiseurs, donc ils n'ont pas peur des nouvelles technologies. Bref, j’ai testé et j'ai trouvé ça génial. J'ai commencé à l'utiliser tout de suite. L’équipe de Newzik m'avait fait tester leur application en nous invitant chez eux, c’était intéressant. Ensuite, j'ai fait partie de l'orchestre des Victoires de la musique, j'en ai parlé à Paul Rouger, qui était notre directeur musical, et nous avons commencé à l'utiliser pour l’enregistrement de l’émission. Newzik est venu nous former, puis la prise en main s'est propagée comme une chaîne d'écoute.

« Aujourd’hui, je n’ai plus de papier ou de partitions papier. Si j’en ai, je les scanne pour les mettre dans Newzik. Cela me permet de gérer des milliers de partitions sur une seule tablette. C’est tout simplement génial ! »

Aujourd’hui, de quelle manière utilisez-vous l’outil Newzik et quels en sont les avantages dans vos travaux au quotidien ?

La nouvelle génération de musiciens est équipée au moins d'un smartphone, voire d'une tablette. Les orchestres se sont vite rendus compte que Newzik était extrêmement simple. Ce qui est formidable, c'est que s'il y a une articulation, une notion qui n'a pas été notée sur la partition, on la découvre en répétant. Le chef accède à tout l'orchestre en réseau, il écrit l’annotation sur son iPad et elle apparaît immédiatement sur les 60 partitions, en étant sûr que c'est au bon endroit, que c'est la bonne chose. 

« Nous gagnons un temps incroyable sur les partitions, c’est formidable. »

Lorsque l’on répète avec un chanteur, il y a des problèmes de tonalité. Alors, plutôt que de le renvoyer au copiste, (cela peut prendre trois heures pour copier toutes les parties dans votre tonalité), en seulement trois secondes et demie, grâce à Newzik, nous avons un moyen de le faire et de transposer toutes les parties pour un orchestre complet. Un immense gain de temps !

Auparavant, les orchestres avaient ce qu'ils appelaient, un directeur d'orchestre qui s'occupait des instruments, des marionnettes et normalement des partitions. Ils avaient des boîtes incroyables, des milliers de pièces qui pèsent trois tonnes. Aujourd'hui, ils ont juste un fly case avec 50 iPads et tout le répertoire de l'orchestre dedans. C'est donc cent mille fois plus facile pour tout le monde. Nous avons changé d'époque.

Utilisez-vous l’application chez vous, en studio aussi ? 

Bien sûr ! Je l'utilise. Hier, je répétais avec deux collègues pour un répertoire que je dois mettre en place pour la semaine prochaine. J'ai passé la journée avec l’application Newzik active. Je n'ai plus de support papier, ça fait une éternité que je n'ai pas acheté de cahier papier et musique. Je n'en ai plus besoin. Ce que nous faisons maintenant, c’est que nous écrivons nos partitions via un logiciel d'édition de partitions sur ordinateur, comme Sibelius, et nous transférons ces partitions vers Newzik, tout simplement. J’utilise l'application presque tous les jours maintenant. La seule limite sera la durée de vie fragile des tablettes. Dans tous les cas, qu'il s'agisse d'une répétition ou d'une session, j'utilise Newzik. 

Dans vos souvenirs, quel a été le meilleur concert de votre vie ?

Difficile de répondre… Il y a des grands moments dans chaque tournée. Mais le dernier avec lequel j'ai travaillé était Sting. Nous avons fait des dates incroyables. J'ai joué avec lui le soir de son 70ᵉ anniversaire à Athènes, au pied de l'Acropole, avec vue sur l'Acropole. On a joué au Panthéon à Paris. Et il y a seulement deux artistes qui ont joué au Panthéon. Donc un concert comme ça, c'est incroyable. C'est forcément quelque chose qui reste et qui marque. 

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